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PORTER OU NON UNE CRAVATE ?
Un incident anodin m’a interpellée. Lors de son faux-vrai retour en politique, le 8 juillet 2013, l’ancien président de la République a rassemblé les cadres de l’UMP autour de lui pour affronter l’épreuve infligé par le Conseil Constitutionnel, l’annulation de ses frais de campagne, qui génère une dette de quelques onze millions d’euros.
L’incident dont je parle a trait à la liberté prise par certains dirigeants de l’UMP, de ne pas porter de cravate à cette occasion. Parmi les coupables de ce crime de lèse-majesté figurent des personnalités aussi éminentes qu’Alain Juppé ou Bruno le Maire.
La presse s’est émue de ce négligé vestimentaire et y a vu malice et irrespect, ce d’autant plus que l’ancien hôte de l’Elysée était, parait-il, à cheval sur le port de la cravate.
Il me serait facile de voir dans l’attachement de Nicolas Sarkozy à cet accessoire du costume masculin un hommage à cette Europe centrale où plongent les racines de sa famille. Ne sont-ce pas les cavaliers croates (le mot cravate est une déformation de « croate ») qui ont introduit, sous Louis XIII, le port d’une écharpe blanche que la Cour adoptera ensuite tandis que sera donné le nom de Royal Cravate à ce régiment de cavalerie légère ?
Je pourrais aussi rappeler que la cravate a gagné ses lettres de noblesse avec Louis XIV, créateur, en 1669, de la fonction de Cravatier, un écuyer exerçant auprès du Grand Maître de la Garde Robe.
L’histoire tourmentée de la cravate est faite de modes successives qui la voulurent parfois réduite à quelques rubans noirs retenant également les cheveux derrière la tête, parfois opulente et bouffante à la fin de la Révolution, parfois emberlificotée et complexe comme l’arborait le dandy Brummel. Ne parlons pas de ce trublion, apparu au début du 20ème siècle, le nœud papillon. Et la famille ne s’arrête pas là : la lavallière, l’ascot, la cravalière, le 7 plis…
Ne parlons pas non plus des innombrables nœuds inventés par ces messieurs qui ne se sont pas contentés du nœud double, appelé le Windsor. Citons pour mémoire : le nœud Onassis, le nœud Victoria, le Saint-André, le Cavendish, le Balthus, le William Thomson…Le parfait homme du monde est censé savoir nouer sa cravate selon différentes façons à chaque occasion. Encore de nos jours, certaines firmes - banques, assureurs, commerces de luxe- ne sont pas avares d’instructions envers leur personnel masculin : le Four-in-Hand et le Windsor simple conviennent aux cols jacquard, button-down et anglais. En revanche le collaborateur corpulent doit éviter tout nœud mince. Il choisira de préférence un Windsor double, bien en harmonie avec le col écarté ou cutaway.
Mais pourquoi avoir accordé depuis plusieurs siècles autant d’intérêt à ce ruban de cou ? à ce collier textile ? à cette frivolité (rejetée, ne l’oublions pas par d’autres civilisations) ?
Les pragmatiques diront à juste titre que les hommes ont toujours pris soin, du moins en Occident, de protéger leur gorge. Il ne s’agit pas seulement de pudeur. Les auteurs anciens insistent aussi sur la protection physique constituée par la cravate, la cornette, le plastron, la fraise, le jabot ou le rabat.
Les férus de psychanalyse ont détecté un symbole phallique dans ce nœud soutenant une verge qui n’ose pas dire son nom. Une femme exhibant une cravate ne passait-elle pas naguère pour révéler une propension à la virilité ?
Je verrais plutôt pour ma part dans la cravate un symbole militaire, tout droit issu de son origine croate. Un objet ne se départit jamais complètement de sa signification initiale. Et je voudrais à ce propos rappeler que le drapeau, que l’étendard est orné d’une cravate, ornement de soie, long et étroit, garni de franges, qu’on attache en forme de rosette à la lance d’un drapeau , et dont les bouts sont pendants.
« Un homme sans cravate est-il prêt à partir au combat ? », s’est sans doute interrogé le bouillant Nicolas Sarkozy, prêt à enfourcher son destrier, quand il vit autour de lui ses partisans, la gorge au vent.
© Marie-France Lecherbonnier