L’ART DE VIVRE A LA FRANCAISE
Une nouvelle série de Lettres d’Information
par Marie-France LECHERBONNIER
Présidente de l’Association pour le Rayonnement
du Savoir-vivre et du Protocole
De 2012 à 2014, j’ai publié plus de cent lettres d’information sur le savoir-vivre, dont j’ai exploré la quasi totalité des aspects. Pour l’essentiel le contenu de ces lettres d’information a été repris dans mes deux ouvrages publiés par les Editions Nomad le 2013: Le savoir-vivre et Questions de Politesse.
J’entreprends aujourd’hui une Nouvelle Série de Lettres d’information. Elle sera consacrée à L’Art de vivre à la française, une thématique qui remporte actuellement un grand succès avec l’intérêt sans cesse accru des étrangers francophiles pour la civilisation française.
Ces lettres d’information mensuelles seront très fournies en documentation. Mon but est en effet de mettre à disposition de vrais dossiers sur les moeurs, les traditions, les productions qui ont illustré et qui continuent d’illustrer notre Art de vivre. La mode, les arts de la table, la gastronomie, la civilité…
Le premier dossier est dédié à la pâtisserie et à la confiserie. Pourquoi avoir choisi ce thème ? Pour deux raisons. D’abord, notre dernière participation à l’émission de Stéphane Bern, Comment ça va bien ? (janvier 2015) assurée par ma fille Maïna, vice-présidente de l’Association pour le Rayonnement du Savoir-vivre et du Protocole, a porté sur le service et la dégustation des gâteaux. Ensuite, je souhaitais rendre hommage au «pâtissier des rois », mon ami S.G.Sender qui m’a accordé des entretiens passionnants sur son art.
J'ai rencontré Sender alors qu'il était en train de réunir dans son musée de la pâtisserie des copies de tous les gâteaux monumentaux qu'il avait élaborés pour les grandes cours d 'Europe, du Moyen Orient et d 'Asie, ce qui lui avait valu le surnom de "Pâtissier des Rois".
En fait, il avait également travaillé pour les grands palais présidentiels, à
Paris comme aux Etats Unis.
Il avait passé sa vie dans les avions, courant d'une capitale à l'autre pour couronner les diners officiels, les mariages princiers, les visites d'Etats de ses extraordinaires constructions très souvent hautes de 2 à 3 mètres.
Sender se voulait surtout un confiseur car il considérait que l'art du sucre l'emportait par sa complexité et ses prouesses techniques sur le travail du
pâtissier.
D'origine belge, héritier lui-même d'une grande famille de confiseurs pâtissiers, il tenait ses secrets de fabrique des maitres comme Antoine Carême qui inventa la pâtisserie moderne à l'époque de Napoléon.
Il abondait en souvenirs et anecdotes dont la plus fameuse touchait la reine d'Angleterre, Elisabeth « Queen Mum » à laquelle il avait appris à tourner les oeufs en neige. La cour d'Angleterre restait sa préférée. Son chef d'oeuvre avait été conçu pour le mariage de Charles et Diana.
Toute sa fortune, il l'a utilisée pour constituer la plus grande collection de livres de pâtisseries et confiseries du monde. Ce bibliophile impénitent était capable de se rendre à l'autre bout du monde pour un seul livre présenté en
salle des ventes à Tokyo ou à Boston.
Sender nous a quittés le 12 juillet 2009, plein de nostalgie pour l'époque qui l'avait sacré "pâtissier des Rois" et il regrettait surtout le déclin de l'art du sucre, des gâteaux sculptés, de la confiserie artistique.
LA PATISSERIE ET LA CONFISERIE EN FRANCE
« Babas, madeleines ou croquembouches font partie de notre patrimoine. Ils ont la saveur de notre enfance. Ils sont le symbole de toutes nos fêtes, l’aboutissement d’un art qui n’a d’autre but que de nous rendre heureux. Que de passion, de talents et de savoir-faire il aura fallu pour l’élaboration de ces merveilles gourmandes ! » Joël Robuchon
Qu’appelle-t-on dessert ?
Le mot « dessert » apparaît en pleine période de la Renaissance, en 1539, pour désigner le dernier service du repas, alors constitué de fromages, de pâtisseries, de dragées et de confitures. Aujourd’hui il ne s’applique plus qu’à ce qui est servi après les fromages, donc à des mets sucrés, en particulier des gâteaux. Chez les Grands, comme à la Cour, le mot dessert était proscrit : il fallait dire « le fruit ».
De tout temps le dessert a été considéré comme un moment heureux et festif au point qu’on a toujours menacé les enfants turbulents de les priver de dessert. Plus que la fin du repas, le dessert en est donc le couronnement.
Un usage est resté de cette époque ancienne : le dessert doit être servi sur une table entièrement desservie. Autrefois on retirait même la nappe.
La coutume consistant à séparer le dessert du repas qui le précède date de la Rome Antique où les friandises, les pâtisseries et les « gâteaux africains » étaient servis sur des « secondes tables » (mensae secundae). En fait ces « secondes tables » étaient en général vouées à des manifestations de débauche.
Le dessert et le sucre
Le dessert est lié au sucre et cela en explique le durable succès.
Dès l’Antiquité les hommes utilisèrent le miel produit par les abeilles. On sait que les moines à qui l’on doit l’invention de nombreuses pâtisseries et confiseries étaient d’excellents apiculteurs.
Une autre source naturelle : le miel de roseau. D’abord sauvage, cette plante originaire de Nouvelle Guinée fut ensuite cultivée en Inde et en Chine. Les Grecs et les Romains en importaient des quantités. En sanscrit cette plante s’appelait « sarakara ». Les Arabes, qui en assuraient le transport jusqu’en Europe, disaient « sukkar », d’où les mots « zucchero » en italien et « sucre » en français. Les botanistes ont établi que ce fameux roseau à miel n’était rien d’autre que la canne à sucre.
Le miel de roseau n’était pas seulement utilisé comme aliment. Il servait aussi en médecine.
Les Vénitiens supplantèrent peu à peu les Arabes dans le négoce du sucre de canne. A partir du 15ème siècle, les Européens en importent de fortes quantités d’Inde.
La conquête de l’Amérique changea la donne puisque désormais les Espagnols inaugurent la culture de la canne à sucre dans les Caraïbes. Les Français prennent une place prépondérante sur ce marché fructueux et prospère grâce à la colonisation de la Martinique et de la Guadeloupe.
Le sucre fit la fortune du commerce extérieur de la France jusqu’à ce que, au début du 19ème siècle, on sût exploiter et raffiner le sucre de la betterave. Il s’ensuivit une formidable ère de prospérité dont tirèrent habilement profit pâtissiers et confiseurs français.
Les grandes dates de la pâtisserie française
Le Moyen Age
Le Moyen Age n’ignorait pas la pâtisserie mais n’en eut, jusqu’au 15ème siècle, qu’une pratique rudimentaire réduite aux flans et aux pains fermentés. On projetait de la pâte dans de l’eau bouillante avant de la faire cuire sous la cendre : c’étaient des fouaces. Il faut attendre 1440 pour que la profession de pâtissier soit officialisée et que la production, où se mêlent le salé et le sucré, se diversifie : preuve en est l’abondante liste de pâtisseries, apparues à cette époque, qui subsistent aujourd’hui…même si leurs recettes ont considérablement évolué !
Parmi les produits qui ont eu un grand succès et qui ont disparu : les nieules, les oublies et les échaudés.
- Les nieules étaient des pâtes très fines, vaporeuses. Pressées à l’aide d’un fer, elles étaient distribuées aux fidèles lors de cérémonies médiévales (notamment à la Pentecôte.)
- Les oublies sont également d’origine rituelle comme leur étymologie l’indique : elles viennent du mot latin « oblationes (Les oblations consistent en des offrandes faites à Dieu). Les oublies sont d’abord faites en pain enzyme comme les hosties mais se distinguent de celles-ci par le fait qu’elles ne sont pas consacrées. On continuera des siècles durant à parler d’oublies à propos de toute pâtisserie fine au fer. Elles étaient principalement vendues dans la rue par des colporteurs jusqu’à ce qu’une ordonnance de police en interdise le commerce en 1722 pour des raisons d’hygiène. Elles réapparurent néanmoins peu après sous l’appellation de « plaisirs ». Les « marchandes de plaisirs » remplacent alors les marchands d’oublies dans les rues et sur les parvis des églises.
- D’origine albigeoise et apparus sous Philippe Auguste, les échaudés (ou gimbelettes) étaient faits d’une pâte d’abord ébouillantée puis refroidie, et façonnés de différente manière : ronds à bord festonnés, en cœur, triangulaires. Selon leurs recettes propres, ils prennent toutes sortes d’appellations : flagels, gobets…
Citons maintenant les cinq grandes inventions médiévales parvenues jusqu’à nous : les croissants, le gâteau des rois, les gaufres, les crêpes, le pain d’épices.
- D’origine religieuse, les croissants, dont la première représentation date du 5ème siècle, ont un rapport lointain avec le culte antique de la lune. Au 10ème siècle on les appelle panem lunatum (pain de lune). Très courant au Moyen Age, le croissant est souvent appelé cornudeau (petite corne).
- Le gâteau des rois : la fève permet de désigner la personne qui deviendra le roi de l’assemblée se partageant une galette feuilletée le jour de l’Epiphanie (fête commémorant la visite des rois mages à l’enfant Jésus). D’origine païenne, cette tradition a été adoptée par les chrétiens et, au Moyen Age, pratiquée par toutes les corporations de métiers qui élisaient ainsi leur « roi » pour toute l’année. A cette époque la coutume voulait déjà qu’un enfant se glisse sous la table pour énoncer les noms des personnes à qui devaient échoir les parts découpées.
- Les gaufres apparaissent dès le 13ème siècle, vendues, toutes chaudes, par des marchands ambulants dans les rues et sur le parvis des églises.
- Les crêpes : c’est le gâteau de la Chandeleur qui commémore la présentation du Christ au temple quarante jours après Noël. Le mot Chandeleur évoque la procession accompagnée de chandelles qui est effectuée par les croyants ce jour-là. La coutume assure, dès le Moyen Age, que la chance sourira toute l’année à celui qui fera sauter la crêpe dans une poêle en tenant une pièce d’or dans la main droite.
- Le pain d’épices et le pain d’anis sont de loin le premier dessert du Moyen Age, consommé par toutes les classes de la société. Les moines, s’inspirant de recettes antiques, fabriquaient ce pain au miel qui avait l’avantage de se conserver. Pour effacer son origine païenne on l’associa à l’image de saint Nicolas et on l’orna d’un motif religieux (en général une église gravée sur la croûte). Les pâtissiers laïcisèrent ensuite les motifs. En utilisant les moules des pains d’épices ils diversifièrent leur production : pains anisés, décors de glaçures, galettes suisses…
Le Moyen Age n’ignorait pas non plus la confiserie. On lui doit deux innovations majeures, les bonbons (appelées alors « les épiées ») et la confiture, rapportés des Croisades, où l’on s’est initié au sucre de canne.
- Très chers, parfumés de condiments et d’aromates, les bonbons étaient réservés aux classes les plus favorisées qui les consommaient à la fin des repas, accompagnés d’un verre de liqueur. Ils s’offraient également aux dames que l’on courtisait et aux juges que l’on voulait amadouer.
- Les confitures proviennent aussi du Moyen Orient où l’on découvre de nouvelles sortes de fruits. A la fin du Moyen Age, la France est gagnée par l’engouement des confitures (prune, myrtilles, angélique, violette…) qui servent tout autant de remèdes que d’aliment. Quant aux «massepains », ce sont des gâteaux fourrés à la confiture.
On attribue au Moyen Age la création des entremets. Il est vrai que nul banquet médiéval ne se déroulait sans entremets, mais le mot ne renvoyait pas alors à une gamme de douceurs sucrées (crèmes, mousses, etc…)
« Il s’agissait au Moyen Age, expliquent S.G Sender et M. Derrien dans leur monumentale Grande Histoire de la Pâtisserie-Confiserie française (édition Minerva), d’un spectacle. Différents divertissements furent imaginés afin de faire patienter les convives durant les intervalles entre les services des festins. Ces moments intervenaient entre les mets, d’où leur nom, remplacé plus tard par intermède. Ils furent à la mode, en France et en Italie (à la cour de Florence) jusqu’à la fin du 16ème siècle. »
Aucun lien entre l’entremets médiéval et les entremets modernes ? Si, la présence du sucré, symbole de la fête. Selon les mêmes auteurs : «C’est après les services (composés de viandes) que le seigneur levait sa coupe, afin que commence la première partie de l’entremets. Il s’agissait d’abord de danses, de chants, de simulacres de combats (quelquefois même navals). Après ce moment, il était courant d’asperger les convives d’eaux de senteur. Du plafond pouvait tomber, à la surprise générale, une pluie de bonbons variés. »
La Renaissance
Au 16ème siècle, en France, le roi des gâteaux était encore le pain d’épices, à base de miel alors que les Italiens avaient beaucoup d’avance en matière de variétés et de qualité. En effet ils avaient acclimaté le fameux « roseau à miel » (de fait la canne à sucre) en Sicile et réussi à résoudre la complexe question du raffinage. Dans le domaine des liqueurs ils avaient aussi beaucoup progressé en mettant au point les techniques de distillation.
Catherine de Médicis épouse d’Henri II introduisit l’art sophistiqué de la pâtisserie italienne à la Cour française. Elle donna un fabuleux essor à la gastronomie et à l’art de la table en faisant venir en France les cuisiniers, les pâtissiers et les glaciers de Florence.
- Les apports majeurs de Catherine de Médicis à la pâtisserie française sont la brioche importée de Florence, les biscuits à la cuillère et les pièces montées qui, lors des banquets d’apparat, pouvaient atteindre des proportions considérables, composées de douceurs en pyramide et au décor complexe. Elles sont à l’origine du Haut décor.
- Il faut mettre à l’actif du génial chef de Catherine de Médicis, Popelini, deux innovations majeures qui feront évoluer tout l’art de la pâtisserie : la pâte à choux et la frangipane appelée à remplacer la polenta sucrée. Néanmoins la polenta survécut et eut une importante descendance sous diverses préparations : gaudes de Besançon, matelins de Lyon et de Grenoble, milliasses de Bordeaux et de Cahors, rimottos de Périgueux et d’Agen…
La confiserie progressa au même rythme avec la confection du nougat
constitué de noix confites dans du miel et l’introduction des glaces.
A partir des recettes ramenées par Marco Paolo de Chine en 1292, les Italiens sont les premiers Européens à maîtriser au début du 16ème siècle la réfrigération artificielle. Les célèbres glaciers de Catherine de Médicis en imposèrent la mode à la cour de France.
Apparut à cette époque une pièce maîtresse de la table, le surtout à confiserie qui ne cessa de gagner en ampleur au siècle suivant : « Le surtout à confiserie, écrit Annie-Perrier-Robert dans Bonbons et Friandises (Hatier 1995), constitua au fil des siècles, une des pièces maîtresses de la table d’apparat. Placé en son centre, il était destiné à porter, dans des coupelles étagées, diverses sortes de sucreries. Le 17ème siècle le conçut en argent et, de ce fait, le rendit plus précieux qu’il ne l’était auparavant. La mythologie inspirait souvent les motifs de la décoration. Personnages allégoriques, arbres et fleurs s’y côtoyaient avec élégance. Certains de ces objets pouvaient être de grande taille, jusqu’à un mètre de hauteur…Le siècle des Lumières vit le triomphe de ce « milieu de table » qu’il adapta à son goût des rocailles et des pastorales. Mais l’engouement pour les architectures de sucre éphémères devait, à la fin du 18ème siècle, prendre le pas sur le surtout d’orfèvrerie. »
L’époque classique
Le 17ème et l 8ème siècles engagèrent la pâtisserie vers le raffiné, l’artistique et le grandiose sans remettre en cause les bases acquises sous Catherine de Médicis. Les grandes maisons se pourvurent de maîtres en pâtisserie au talent réputé. De nombreux et importants ouvrages, consacrés à l’art de la pâtisserie sont publiés et incitent les nobles du 18ème siècle à mettre eux –mêmes la main à la pâte. Parmi les grands succès du temps il faut citer le croquembouche à la Soubise et l’apple cake à la reine Anne. Le peuple, pour sa part, se contente de gâteaux et confiseries traditionnels : beignets, gaufres, rissoles, crèpes, casse-museaux et massepains, ou régionaux : gâteaux razis d’Artois, tuées de Normandie, croquets de Reims, calissons d’Aix, talmousses de Saint-Denis, craquelins de Gonesse…
Vers 1750, la découverte de la levure biologique, réalisée à partir du houblon de la bière, entraine d’importantes innovations en matière de fabrication. D’autres progrès marquent l’époque des Lumières qui perfectionne la réfrigération et les fours et met au point des machines comme le pétrin mécanique ou le broyeur de cacao. En Allemagne, le chimiste Margrapf réussit à isoler le sucre de la betterave : on sait la portée exceptionnelle de cette invention qui ne sera pleinement exploitée qu’à partir de 1810.
Nous avons hérité de cette époque quelques uns de nos grands classiques : les macarons, le kugelhopf , les chaussons, les madeleines, les nonnettes, les pets-de-nonne.
- D’origine italienne, les macarons sont constitués d’une pâte d’amandes savoureuse. Consommés à la cour de France dès 1553, ils font fureur sous la régence d’Anne d’Autriche. Nancy en fait une spécialité réputée. Le macaron est l’ancêtre du petit-four.
- Né en Autriche (en 1609), le kugelhopf devint le régal des Alsaciens qui adaptèrent la recette à leur goût.
- La recette des chaussons est décrite par La Varenne dans l’ouvrage de référence qui lui est attribué, Le Pâtissier français (1653).
- Les madeleines ont été inventées par Madeleine Simonin, la cuisinière du cardinal de Retz, alors qu’en 1661 il résidait à Commercy. D’où leur appellation : « les madeleines de Commercy ».
- Les nonnettes doivent leur nom aux religieuses de Remiremont, dont l’invention conquit toute la France au 18ème siècle. Ces petits gâteaux ronds étaient bizarrement considérés comme un produit de boulangerie.
- Le chef de la maison d’Orléans eut l’idée de fabriquer des beignets à partir de la pâte à choux en 1770 et de leur donner le nom saugrenu de pet-de-nonne qui amusa toute la cour. Une légende attribue cette appellation à une malheureuse nonne qui aurait lâché un vent en servant ce dessert à son archevêque.
En dehors de ces pâtisseries, les chefs mettent au point des procédés à l’origine de nombreuses créations : la crème Chantilly et la meringue
- La crème Chantilly est une invention du célèbre Vatel, le maître d’hôtel de Fouquet à Vaux. Devenu le chef du prince de Condé, il donna le nom de son château au fameux entremets.
- La meringue : Marie-Antoinette adorait confectionner elle-même cette pâtisserie inventée par un Suisse établie en Saxe –Cobourg en 1720.
La confiserie se dote pour sa part de deux vrais trésors : les pralines et les dragées.
- Les pralines : l’idée d’enrober de sucre les amandes pilées revient au maître d’hôtel du duc de Richelieu, Plessis-Pralin (1731).
- Les dragées sont l’œuvre du confiseur Pecquet qui, en 1750, réussit l’enrobage des pois sucrés. Le roi raffolait des dragées de Pecquet qui fit rapidement fortune avant d’être anéanti par un concurrent à l’enseigne du Grand Monarque.
Enfin on ne saurait quitter le Grand siècle sans faire mention de la révolution provoquée par la découverte du chocolat qui bouleversera profondément le goût et les mœurs.
Importé du Mexique au milieu du 16ème siècle, le chocolat conquit la France à partir du Pays basque grâce à des confiseurs en relation avec l’Espagne. C’était le délice de Marie-Thérèse d’Autriche, l’épouse de Louis XIV. Le service du chocolat, chaud ou glacé, s’accompagnait d’un rituel raffiné et demandait une vaisselle en porcelaine spécialement conçue pour cet usage (tasses et verseuse). La production du cacao à la Martinique à partir de 1680 engendra un engouement général en France.
Qui veut savoir à quoi ressemblait une boutique de pâtissier au 18ème siècle, se rendra 51 rue Montorgueil à la célèbre pâtisserie Stohrer, créée en 1730 par Nicolas Stohrer, le pâtissier du roi de Pologne, Stanilas Leczinski et de sa fille, Marie, l’épouse de Louis XV. Le bâtiment et ses décors sont classés monument historique et l’établissement y est toujours en activité. On y dégustera notamment le baba au rhum créé par Nicolas Stohrer pour le roi de Pologne à partir d’une brioche sèche qu’il arrosa de vin de Malaga et parfuma au safran avant d’y ajouter crème pâtissière, raisins secs et raisins frais. Le roi choisit le nom de son héros romanesque favori, Ali Baba, pour baptiser sa gourmandise également favorite. Grande amatrice de haute pâtisserie, Elizabeth II d’Angleterre ne put résister à la tentation de visiter la pâtisserie Stohrer lors de la visite officielle qu’elle fit en France afin de commémorer en 2004… le centenaire de l’Entente cordiale entre la France et l’Angleterre.
L’époque moderne
.La pâtisserie et la confiserie atteignirent des sommets inégalés au 19ème siècle, porté par des maîtres mythiques, en tout premier lieu Antoine Carême qui codifia, sous la Restauration, l’art du sucré. D’exceptionnelles pièces d’apparat accompagnent les grandes réceptions. De grands chefs, comme Gouffé, Lebeau, les frères Jullien s’illustrent, dans l’art du sucre filé, du nougat, du pastillage, des bonbons fondants, des glaces cuites, des marrons glacés. Les consommateurs plébiscitèrent les nouveaux desserts à la mode : le vacherin, saint honoré, le croquembouche, les allumettes, les éclairs, le condé aux amandes, le savarin, le wedding cake, la bûche de Noël, la pêche Melba…
- Le gâteau meringue à la crème chantilly, venu de Suisse, a donné le vacherin, que la reine Marie-Antoinette adorait confectionner. Au milieu du 19ème siècle l’invention des douilles, des poches et des cornes, permit de vulgariser cette douceur compliquée.
- Assemblage de fruits glacés au caramel, le premier croquembouche est servi par Carême au prince Berthier en 1815.
- Inventées par un pâtissier suisse installé en Bretagne (1840), les allumettes furent concurrencées par le condé aux amandes, voué à une diffusion mondiale.
- Le saint-honoré est l’oeuvre de la maison Chiboust en 1847 qui, de fait, s’est inspiré d’un gâteau suisse. Les frères Jullien perfectionnèrent cette pâtisserie à base de petits choux, appelée à un succès considérable.
- Création d’Auguste Jullien, le savarin est fait d’une pâte à baba accompagnée d’une liqueur.
- D’origine anglaise, le wedding cake (le gâteau de mariage), apparu au 19ème siècle, souvent de très grande taille (plusieurs mètres de haut), exige une préparation complexe et une cuisson longue de plusieurs heures.
- La bûche de Noël : en 1874, le pâtissier Charabot eut l’idée, pour le Réveillon, d’adapter l’antique tradition de la bûche provençale que l’on jetait au feu, arrosée de vin, de sel et de cire, pour faire des vœux la nuit de Noël et d’en faire une fabrication biscuitée et crémeuse.
- La pêche Melba : cette préparation simple, une pêche pochée au sirop vanillé, est due à Escoffier qui lui donna le nom d’une célèbre cliente qui en raffolait, la chanteuse Melba.
Une invention apparemment modeste eut une portée considérable : Trottier mit au point des moules et des cercles, ce qui eut pour effet le remplacement de l’ancienne tourte par la tarte et la création de nouveaux gâteaux comme le gâteau breton décoré à l’aide d’une douille à six dents.
A la même époque le progrès technique transforma la production de masse avec la biscuiterie industrielle qui s’appuie sur des procédés mis au point en Grande-Bretagne. S’ouvrit l’épopée de la Biscuiterie Nantaise.
La principale évolution du goût à l’époque contemporaine a trait à l’appétence des consommateurs pour le chocolat dans la pâtisserie et la confiserie. On le constate avec le succès des profiteroles, éclairs et religieuses
- Antoine Carême est le père des profiteroles moulées à la main. Les éclairs n’apparaissent qu’en 1850 à Lyon après l’invention de la poche. Quelques années plus tard la famille s’agrandit aux religieuses et aux choux glacés.
En même temps que la pâtisserie, la confiserie s’enrichit d’innovations appelées à un grand avenir : bonbons à la liqueur, fondant, nougatine.
- Les bonbons à la liqueur : le moyen de couler de la liqueur à l’intérieur des bonbons est due à un confiseur parisien du nom de Gilé (1821). Cette découverte fit rapidement fureur et révolutionna les techniques de la confiserie. Gilé est également l’inventeur du fondant, bonbon recouvert de sucre candi, qui fond en bouche.
- La nougatine : une savante friandise mise au point par un confiseur de Nevers, Bourumeau, qui se vit récompenser par la reconnaissance de la cour impériale de Napoléon III qui en fit son régal.
Alors que s’inventent toutes ces merveilles gourmandes, le public des consommateurs change aussi de comportement. Axée hier sur les salons, la pâtisserie-confiserie est passée dans la rue. Il suffit, pour s’en convaincre, de lire ce qu’en dit le Guide de Paris, signé Adolphe Joanne, dans son édition de 1863 : « De 3h à 5h de l’après-midi, il est rare que les boutiques des pâtissiers parisiens les plus renommés ne soient pas remplis de femmes élégantes, d’hommes du monde le plus distingué, qui viennent y manger un gâteau trempé d’un vin de liqueur. Lorsque par hasard, au milieu d’une course prolongée, on sent son estomac tiraillé par une pointe d’appétit, le mieux est de prendre un gâteau qui, sans nuire au dîner, satisfait provisoirement la faim….Pour les personnes qui veulent connaître la pâtisserie parisienne par ses confections de choix, nous nommerons dans le passage des Panoramas, Félix ; place de la Bourse, Julien ; dans le passage de l’Opéra, le Gâteau d’Amandes ; rue de la Paix, Carême et les pâtisseries anglo-françaises situées rue Royale et rue de Rivoli. Les Parisiens n’aiment pas moins les bonbons que les gâteaux : aussi Paris compte-t-il un grand nombre de confiseurs dont les produits sont justement renommés. Il n’est certainement aucun étranger qui ne veuille apprécier par lui-même le mérite de cette industrie. »
Si Paris est devenu au 19ème siècle la capitale européenne de la pâtisserie, cela n’empêche pas les maisons ayant pignon sur rue de se livrer à une concurrence impitoyable. Des idées « marketing » qui n’ont rien à envier à notre époque assurent la notoriété à certains commerçants spécialement inventifs. Il en est ainsi de la pâtisserie Ragueneau à propos de laquelle S.G Sender et M. Derrier relatent cette anecdote : « La pâtisserie Ragueneau était célèbre pour sa vitrine décorée de pyramides de brioches, alors très en vogue. M. Ragueneau était amateur de théâtre et de poésie au point que, pour satisfaire sa passion, il avait l’habitude d’échanger ses gâteaux contre des billets de spectacle. »
Le 20ème siècle se caractérise par la multiplication des talents et par le raffinement des techniques héritées du siècle précédent. L’effort porte principalement sur le travail du sucre d’art sous ses différentes expressions : tiré, filé, soufflé, tourné, coulé…Par ailleurs la technologie poussa à la perfection la réfrigération, les fours et les pétrins. La surgélation résolut le problème de la conservation.
Comme dans le passé des « géants » de la pâtisserie française continuent aujourd’hui de triompher dans le monde. La génération précédente comptait des chefs à la réputation mondiale, tels Sender « le pâtissier des rois » et Gaston Lenôtre. Ce dernier, à la fois pâtissier, confiseur et à partir de sa Normandie natale puis de sa boutique rue d’Auteuil, forma dans son école, créée en 1971, des dizaines de grands chefs de toute nationalité. Le Pré Catelan et le Pavillon Elysée passèrent sous enseigne Lenôtre en même temps qu’étaient fondés des établissements à Berlin, à Ryad et à Las Vegas.
De nos jours, des émissions de télévision populaires manifestent l’engouement sans cesse accru des Français pour leur patrimoine gourmand et sucré : chacun, désormais, veut devenir l’égal des maîtres.
Quant aux chefs d’aujourd’hui, ils perpétuent la tradition de leurs prédécesseurs : ils sont les ambassadeurs de leur art, du goût français et de formidables entrepreneurs. Parmi les plus réputés, on peut citer :
- Pierre Hermé : il a commencé sa carrière auprès de Gaston Lenôtre avant de devenir le chef-pâtissier de la maison Fauchon entre 1986 et 1996, fonction qu’il exerce ensuite chez Ladurée en 1997 et 1998. Il fonde ensuite « Pierre Hermé Paris » avec Charles Znaty. Leur première boutique, installée à Tokyo, date de 1998. Elle sera suivie de beaucoup d’autres. En 2008, Pierre Hermé ouvra sa manufacture de chocolats et de macarons en Alsace.
- Christophe Michalak : à la fois une encyclopédie de la pâtisserie et un inventeur de génie, à la recherche des saveurs et des savoir-faire du monde entier. Partager est sa philosophie, d’où sa passion de faire émerger de nouveaux talents comme son fils spirituel Jérôme de Oliveira. Le 60 rue du faubourg Poissonnière est devenu la pépinière de la pâtisserie du 21ème siècle. La masterclass de Christophe Michalak s’est imposée dorénavant comme le lieu de rencontre de la passion pâtissière.
- Christophe Adam s’est élancé de sa Bretagne natale vers l’excellence internationale : l’atelier Gavroche à Londres, la pâtisserie des frères Roux, le Crillon, le palace Beaurivage à Lausanne, l’entrée chez Fauchon en 1996. Il porte la pâtisserie Fauchon au sommet du luxe et de la saveur, alliant toujours le beau et le bon. C’est lui qui encadre l’expansion internationale de Fauchon vers Monaco, New-York, Moscou, Pékin, Dubaï, Casablanca. Son nom est lié à la pâtisserie snacking, l’exclusivité des boutiques créées sous son nom.
- Philippe Concini s’est distingué tout autant par ses travaux salés que sucrés. Il a travaillé aux Etats-Unis et au Japon et a acquis sa réputation internationale grâce à son invention des verrines qui joue sur la verticalité et la transparence des mets. Il est le cofondateur de la Pâtisserie des Rêves.
Le service et la dégustation des gâteaux
Les couverts à dessert
Les couverts à dessert, fourchette à gâteaux, cuillère à glace, cuillère à sucre, existent depuis le 18ème siècle. La pelle à tarte apparaît au siècle suivant. Il existe aussi des cuillères de service particulières pour les crèmes et les entremets (compote, mousse, soufflé…)
La fourchette à dessert compte quatre dents à part la fourchette à gâteaux allemande, la Kuchengabel, à trois dents. La fourchette à gâteaux classique se reconnaît au fait que la dent de gauche est plus large que les autres afin d’aider à trancher le gâteau alors que les autres servent à le piquer.
L’introduction de nouveaux mets et de nouvelles boissons entraina à chaque fois la création de nouveaux récipients pour les servir et les consommer. Au 19ème siècle, les manufactures de porcelaine fine rivalisèrent d’ingéniosité et de subtilité pour mettre sur le marché de très beaux produits tels que les chocolatières et les tasses hautes pour le chocolat, les tasses à glace, les assiettes et plats à gâteaux…
La découpe des gâteaux
Elle diffère selon leur forme et leur taille.
Un gâteau rond inférieur à 16cm de diamètre : marquer le centre et découper en deux parts égales, puis couper ces deux parts en 2, et continuer ainsi en fonction du nombre de parts prévues.
Un gâteau supérieur à 16 cm de diamètre : tracer un ou plusieurs cercles intérieurs selon le diamètre du gâteau. Il faut commencer par marquer légèrement le cercle intérieur avant de commencer la découpe. On voit ainsi si le cercle a été convenablement tracé. Ensuite on commence par détailler les parts du cercle extérieur. Un gâteau de 20 cm sera découpé en 18 parts.
Pour les gâteaux de taille supérieure ajouter un cercle pour 10 cm de diamètre en plus.
Il est recommandé de s’aider d’un diviseur à gâteaux en inox, qui marquera les parts avant découpe si on n’est pas un professionnel, surtout pour un gâteau fourré ou à la crème, toujours difficile à découper.
La découpe des tartes et des gâteaux s’effectue devant les invités.
Le service et la dégustation
On présente toujours un gâteau sur un plat approprié à sa forme. Il est servi dans des assiettes à dessert.
La tradition française veut que le convive dépose lui-même sa part de gâteau sur son assiette alors que le service à l’anglaise préconise qu’on la serve sur une assiette.
En famille ou dans un repas amical, on peut demander une part plus petite. Jamais on n’accepte une part de gâteau si on n’a pas l’intention de la manger complètement.
Pour déguster un gâteau ou une tarte on n’utilise que sa fourchette. Une glace ou un pudding se dégustent à la cuillère.
Un millefeuille se positionne sur le côté avant d’être découpé à l’horizontale.
Le gâteau de mariage est découpé par les deux mariés ensemble.
Quand on a fini son gâteau, on dépose ses couverts ensemble sur le côté bas droit de l’assiette : soit à l’américaine (pointes de la fourchette en haut) soit à l’européenne (pointes de fourchette sur l’assiette).
Aucun gâteau ne se mange à la main sauf le biscuit. Ne jamais tremper un biscuit dans une boisson chaude en société.